Américains, encore un
petit effort pour retrouver l’amour!
CLAUDE MONNIER | 14 Août
2007 | 00h00
Un certain antiaméricanisme
a toujours existé, comme il y a toujours
eu des gens qui n’aiment pas les Allemands, ou les Français, ou les Russes, ou même, soyons
bons princes, les Suisses. C’est la vie, ça. N’empêche qu’il y a eu aussi de longues
périodes durant
lesquelles les Etats-Unis ont été admirés,
respectés, aimés, comme une espèce
de grand frère costaud, à qui tout réussit, qui pense aux autres et donne le bon exemple.
Il a certes fallu
l’attaque japonaise sur Pearl Harbour du 7 décembre 1941 pour convaincre les Etats-Unis de
lancer leurs forces dans la
Guerre mondiale. N’empêche qu’ils l’ont fait, et contribué ainsi
à débarrasser notre Vieux-Continent du péril nazi.
Des millions d’Européens reconnaissants
ont développé dès lors une
espèce d’américanophilie générale: tout ce
qui était américain leur paraissait génial, et ils percevaient les Yankees eux-mêmes
comme des gars hypersympas
— qui distribuaient des chewing-gums, produisaient un cinéma inégalable, avaient des universités richement dotées et brillantes, savaient faire du business comme personne, que sais-je encore. Durant ces périodes-là,
beaucoup de monde a pris, consciemment
ou inconsciemment, les Américains comme modèles.
Mais les temps ont changé, ainsi que
le démontre de manière scientifique et opportune la fondation américaine Pew, par le biais d’une enquête
d’opinion maousse: 45'000 personnes interrogées au printemps dernier dans 47 pays ou territoires (http://pewglobal.org/reports/pdf/).
Le désamour à l’endroit de l’Amérique y apparaît criant, et en voie d’aggravation
constante, sauf dans quelques rares
pays, africains notamment.
En gros, les personnes interrogées reprochent à l’Amérique de faire ce qu’elle
a envie de faire — puisqu’elle
a la force pour elle — en se fichant
pas mal de ce que pensent et ressentent les autres.
Néanmoins on perçoit aussi, dans les réponses faites à l’enquête de Pew, un espoir sous-jacent:
que l’Amérique redevienne un leader mondial bienveillant et respecté. Un tel revirement
est-il de l’ordre du possible?
Trois choses doivent être dites
à ce
propos. Primo: que toute grande puissance finit un jour par décliner, écrasée sous son propre poids, et cela quel que
soit son système politique; je suis
convaincu que l’Amérique a amorcé ce déclin, mais
qu’un tel processus, parce qu’il est lent, pourrait durer encore cent ans!
Secundo: qu’une grande puissance est
toujours plus dangereuse en
phase de déclin qu’en phase
de stabilité, parce qu’elle tend alors à réagir avec la férocité d’un
Tertio: que l’Amérique,
parce qu’elle a une réelle tradition de puissance
au moins partiellement bienveillante — il
ne faut quand
même pas exagérer ses (réelles) vertus!
—, devrait pouvoir, même si c’est
plus difficile en phase de déclin,
se faire à nouveau aimer, apprécier
et respecter pendant, disons,
au moins cinquante ans encore!
Comment? La recette de principe est
simple. Un dicton anglophone célèbre dit: If you
cannot lick them, join them (si tu ne peux
pas les battre, joins-toi à eux). Je
suggère de le modifier un peu
à l’intention des Etats-Unis: «Amérique, si tu ne
peux pas battre le reste du monde, prends-en le généreux leadership!» Au lieu de bouder le Protocole de Kyoto, en prendre la
tête, et en rajouter un peu. Cela lui coûtera
quelque chose? Rien en comparaison des bénéfices politiques et financiers qu’elle engrangera alors. Au lieu de refuser de parler à la Syrie,
à l’Iran, à la Corée du
Nord et au Venezuela, leur tendre la main, les inviter, les séduire,
se montrer généreuse et compréhensive; elle a bien réussi à
le faire avec le Pakistan, avec l’Inde et même avec la Chine.
Bref, ne pas être tout le temps sur la défensive, mais tirer au contraire le monde derrière elle
de façon joyeuse, dynamique, et désirable.
Elle en a tous les moyens intellectuels, moraux et matériels — et George W. Bush ne sera plus là très longtemps.